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Le mode de scrutin favorise la bipolarisation   *

 

Avec la modification de la loi électorale votée par la droite , les électeurs vont devoir se débrouiller avec une véritable usine à gaz. Elle démantèle la proportionnelle.

 

L’année 2004 sera une année électorale chargée : cantonales, régionales, européennes et sénatoriales. L’enjeu principal est que ces scrutins constituent les premiers rendez-vous à caractère national après le séisme politique connu désormais sous le vocable « 21 avril » Ce 21 avril, qui a permis à la droite de revenir aux affaires dans la foulée de l’élection à la présidentielle de Jacques Chirac dans les conditions que l’on sait, la droite en a tiré quelques leçons.

 

En particulier s’agissant de la possibilité de se maintenir le plus longtemps possible au pouvoir afin de refonder une société conforme aux objectifs d’un capitalisme d’aujourd’hui. Dans ce cadre elle n’a pas hésité – en ayant recours à l’article 49-3 muselant tout débat démocratique et public- à modifier en profondeur les modes de scrutin des deux consultations qu’elle considère comme stratégiques pour la mise en œuvre de sa politique : les régionales et les Européennes.

 

Ces deux niveaux d’institutions étant de son point de vue liés dans la vision de construction ultra libérale qui est celle de la droite. Objectifs affichés : assurer une domination de l’UMP, le parti de droite à vocation d’être unique ; instaurer un paysage politique français s’organisant entre ce parti hégémonique, un PS jouant le rôle d’opposition officielle, et une extrême droite au pouvoir de nuisance inchangé, mais tenue en lisière des exécutifs ; briser le cadre national avec ses cohérences et ses solidarités dans une construction européenne capitaliste via des supers-régions.

 

Des objectifs indissociables de la réforme institutionnelle dite de décentralisation ou de celle sur la future constitution européenne portée par Giscard avec la bénédiction de Jacques Chirac. D’accord ou pas avec ses objectifs, la loi, en l’occurrence vraie usine à gaz, est la loi : chaque formation politique devra donc faire avec et examiner le nouveau cadre dans lequel elle aura à adapter sa tactique en fonction de sa visée politique, et, le cas échéant, à contourner les pièges institutionnels tendus.

 

Un scrutin à caractère majoritaire

 

Dans le cadre de notre propos, nous nous en tiendrons à examiner de plus près le nouveau mode de scrutin pour les élections régionales, sachant  que dans l’un et l’autre cas comme le souligne Dominique Grador, membre du Comité exécutif national chargée  du secteur « élections », « il s’agit d’une atteinte au principe de la proportionnelle et du pluralisme, un déni de démocratie.

 

En effet, est instillée une forte dose de scrutin majoritaire à un point tel que la proportionnalité n’est plus qu’accessoire ; si au premier tour une liste dépasse 50% des exprimés, elle obtient une prime de 25% des sièges. Idem au second tour si aucune liste n’a atteint 50% au premier : celle arrivée en tête touche la prime de 25%.

 

Cela ressemble au scrutin  municipal mais s’inscrit dans une toute autre logique,  l’instauration d’une règle proportionnelle avec une part de scrutin majoritaire aux municipales constituait une avancée : cette fois, il s’agit d’un retour en arrière  avec la mise en place d’une machine à laminer les petites formations.

 

Officiellement, l’argumentaire baigne dans des considérations lénifiantes. Ainsi  la durée du mandat régional, qui passe de cinq à six ans, est justifiée par le souhait  « que la durée des mandats locaux  soit compatible avec celle du mandat sénatorial en raison de la vocation du Sénat à représenter les collectivités locales.

 

La question des seuils pour l’accès au second tour ou à la répartition des sièges ? Explication du ministère de l’Intérieur : «afin d’éviter que l’offre politique ne soit trop dispersée, les seuils applicables pour les élections régionales sont relevés : 10% des suffrages exprimés pour accéder au second tour. 5% des suffrages exprimés pour être admis à la répartition des sièges.

 

Là encore, on est confronté à des mesures qui portent atteinte au pluralisme, pourtant souvent fructueux jusque-là au sein des instances régionales par les débats qu’il inspire. Jusque-là départementale, la nouvelle circonscription s’élargit aux limites territoriales de chaque région. De plus « afin de rapprocher l’élu du citoyen et des territoires, des sections départementales sont instituées au sein des listes.

 

Le premier tour pour se qualifier

 

Exit l’adage selon lequel au premier tour on choisit, au second on élimine. Les électeurs auront à se prononcer entre les différentes listes régionales et non plus départementales, ce qui interdit un positionnement à la carte : un parti ne peut avoir une stratégie électorale dans un département qui ne soit pas en totale cohérence avec celle adoptée par ce parti dans les autres départements.

 

Toutefois, des sections départementales sont instituées dans la présentation (respectant une parité alternant un candidat de chaque sexe et remplaçant le système par groupe de six) au sein de ces listes, introduisant une possible confusion.

 

Le ministère de l’Intérieur a donc expliqué que ces sections «  n’ont pour vocation que de permettre la répartition équitable des sièges » à l’issue des opérations de vote. Quel que soit le département dans lequel il vote, l’électeur votera pour l’ensemble d’une liste régionale et non pour les candidats de la section correspondant à son département au sein de cette liste.

 

En dehors du cas cité plus haut d’une liste obtenant plus de 50% des suffrages seules les listes ayant obtenu au moins 10% des inscrits au premier tour peuvent participer au second. Celle qui ont moins de 5% sont purement et simplement éliminées sans aucune possibilité de fusion ni entre elles, ni avec une autre qui aurait pourtant passé le seuil d’exclusion.

 

Difficulté pour celles qui au premier tour ont recueilli un nombre de suffrages les situant entre 5 et 10% des exprimés. Chacune d’elles se trouve confrontée à l’obligation de trouver parmi les listes admises à participer au second tour, une liste qui voudra bien fusionner avec elle.

 

Le second tour et la répartition des sièges

 

Seul le nombre de sièges à pourvoir régionalement est fixe. Aucun siège n’est attribué à l’issue du premier tour. Seules les listes ayant obtenu au moins 5% des exprimés au second tour peuvent participer au partage des sièges, étant entendu que celle qui a rassemblé au second tour 50% des voix touche la fameuse prime de 25% des sièges. Le reste   est distribué régionalement à la proportionnelle à la plus forte moyenne.

 

Ce n’est que dans un second temps que les sièges attribués non nominativement par région seront répartis entre les départements (sections départementales. Cette distribution s’effectue au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque département selon la règle de la plus forte moyenne. Ce qui signifie que dans un département où la gauche est majoritaire la possibilité existe pour celle-ci de se retrouver avec moins d’élus que la droite qui aurait obtenu une minorité dans le département, mais une majorité au plan régional.

 

La gouvernance plutôt que la démocratie.

 

Personne ne peut savoir combien un département en particulier aura en définitive de sièges, même si un petit ajustement est prévu par la loi, qui fixe fictivement un nombre de candidats par département plus élevé que le nombre de sièges à pourvoir réellement au niveau régional.

 

Par ailleurs, un département où la population est nombreuses mais composée de catégories( jeunes, défavorisés, exclus, immigrés, etc.…) qui ne participent électoralement que peu pourrait, dans une même région, se retrouver avec une représentation au conseil régional beaucoup plus faible qu’un département beaucoup moins peuplé mais dont la composition socio-économique induit moins de réticences à l’égard de la vie politique et citoyenne.

 

L’absence de considération à l’égard d’un dynamisme démographique ou territorial démontre selon Dominique Grador que « le souci de gouvernance prime sur celui de la représentativité démocratique. » Ces dispositions peuvent aussi amplifier le phénomène de rejet politique : on est loin du souci affiché de proximité.

 

D’autant qu’une personnalité régionale qui aurait marqué de son empreinte personnelle et politique en caractérisant la liste régionale pourrait aussi bien ne pas être élue en raison de sa position sur la liste de la section départementale. De même, la non-assurance d’obtenir une représentation départementale susceptible d’être en capacité d’influer sur la politique régionale pourrait aussi conduire à des votes protestataires, populistes, extrémistes ou d’humeur, allant là encore à l’encontre de la volonté gouvernementale d’éviter la dispersion des votes.

 

·       Article de Dominique Bègles, Humanité du jeudi 25 septembre 2003

 

 

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